Amadou Falotier

Fils d'un allumeur de réverbères (lui-même fils d'un allumeur de réverbères, lui-même fils d'un allumeur de réverbères et ainsi de suite), Amadou ne poursuivit pas la vocation familiale qui leur valut le nom de « falotier ». Une profession déjà peu lucrative avant l'arrivée de l'électricité et qui devenait chaque année de moins en moins utile.

Fils d'une tisserande de taffetas de soie pour aérostat, il ne choisit pas non plus la voie de sa mère. Un métier lui aussi peu rénumérateur avant l'arrivée des machines à tisser et qui devenait chaque année de moins en moins reluisant.

Néanmoins, en accompagnant, non par choix, son père certains matins, il découvrit très tôt dans sa vie l'importance du feu ; et comme plus tard il levait la tête et voyait les dirigeables siéger dans le ciel de Belle Thil grâce au travail de sa mère, il réussit à entremêler les deux.

Il devint garde-pompe sur l'aérodrome de Belle Thil. Et quand les dimanches midis, après la messe, il rentrait manger une caille bien grasse nourrie au blé thilien, ce sont deux parents compréhensifs qui lui décochaient quelques amabilités.

Jusqu'à ce que ses deux passions ne fusionnèrent et bousculèrent son avenir. Ou plutôt lorsque ses deux passions furent connues des administrés de la cité. Car mettre le feu à un ballon dirigeable en phase de décollage ne passait, aux yeux de la justice, pas pour une idée remarquable. Surtout lorsque ce dernier était occupé par des notables du chemin de fer.

Ainsi il se retrouva, assez peu ironiquement selon son propre point de vue, condamné au bagne sur le chantier de construction d'une voie de chemin de fer allant de Belle Thil à Sûl Nacre.

Amadou est un pyromane. Maintenant que tout le monde le sait, la morale ne le retient plus d'agir. Tout peut brûler et c'est encore mieux si c'est en mouvement et que ça se répand.

Il n'accepte pas sa condamnation. Il la comprend dans le fond, mais pas dans la forme. Il préférerait ne pas être un forçat et pouvoir continuer de faire ce qu'il souhaite, le tout sans remords évidemment.

L'ancien garde-pompe n'est pas un individu perturbateur. Au contraire, il demeure taiseux la plupart du temps, du genre à se demander ce qui l'a trahi au pied du ballon en feu. Son sourire béat peut-être ?

Voilà un solide gaillard qui ne rechigne pas à la tâche, sauf en ce qu'il s'agit du bagne.

S'il ne brille pas par son intelligence, ses yeux sont habités d'une certaine lueur. Délicieux mélange de volonté de liberté et de folie pyromane.

Il est clairement manipulable par des esprits retors.

En dehors de sa constitution un peu plus tassée et musclée que la moyenne, il porte une coupe de cheveux courte banale, au-dessus d'une tête quelconque et d'une tenue de bagnard insipide composée d'un bonnet délavé et d'une tunique grossière sale.